COMITE TERVUEREN-MONTGOMERY

 
     
     
 

A bas Léopold ! Et Godefroid, on en fait quoi ?
 

 
 

(une opinion publiée par Tervueren-Montgomery)

 
     
     
 
Ce jeudi 4 juin 2020, le parti ECOLO a poussé la majorité régionale bruxelloise à déposer une résolution visant à contextualiser l’histoire coloniale.  Plutôt que de vandaliser / déboulonner les vestiges du passé, ne serait-il pas plus intéressant de laisser ces témoins d’un temps, pour précisément maintenir le débat ? - lisez :

En Belgique, faut-il déboulonner les statues du roi Léopold II ?
https://fr.euronews.com/2020/06/05/en-belgique-faut-il-deboulonner-les-statues-du-roi-leopold-ii

Les partis de la majorité bruxelloise déposent une résolution pour décoloniser l’espace public
https://www.ln24.be/2020-06-04/les-partis-de-la-majorite-bruxelloise-deposent-une-resolution-pour-decoloniser-lespace


*    A BAS LEOPOLD !

Que faut-il détruire ou déboulonner ? Les bustes de Léopold II ? Le monument du Parc du Cinquantenaire ? Ou encore les vitrines de la salle Historique du Musée royal de l’Armée consacrées aux campagnes contre les esclavagistes de 1892-1895 ? …

  ET GODEFROID, ON EN FAIT QUOI ?

Vaste programme auquel la majorité bruxelloise va s'atteler : « nettoyons les rues de cette Histoire qui nous gêne ». Mais tout militaire, étant un assassin par nature, n’a pas à avoir sa plaque dans les rues.

La majorité bruxelloise commencera-t-elle par le premier de ces bouchers, Jules César le génocidaire -et qui s’en vante- des Nerviens et des Eburons. Banissons « De Bello Gallico » des écoles, détruisons ses bustes, dynamitons à travers l’Europe les arcs de triomphe, symboles de l’oppression romaine sur tous les peuples colonisés.

Et Godefroy de Bouillon, qui trône sur la place royale, on en fait quoi ?

Et la tapisserie représentant Charles Quint, pendue dans la salle échevinale de l’Hôtel de ville de Bruxelles ? Il régnait sur ses colonies sud américaines développées par ses conquistadors, dont les ravages faits dans la population sont bien connus.

Et Charles de Lorraine, qui a sa statue devant la Bibliothèque royale ? Gouverneur à Bruxelles à la solde d’un Empire installé à Vienne qui tenait nos territoires sous sa domination et que Marie-Thérèse était prête à échanger contre quelque terre allemande…

Devons-nous aussi supprimer toute référence aux croisades, aux missionnaires - suppôts du colonisateur ?

Nous avons toujours été le colonisé d’un autre…
 
Tant qu’à dynamiter, détruisons les gares et chemins de fer de Belgique, rouvrons la Senne canalisée, détruisons la moitié des parcs bruxellois, les serres de Laeken, le Cinquantenaire et le Musée royal d’Afrique centrale… tout cela a été voulu, soutenu et/ou financé par Léopold II.

Si les critiques sont d’abord venues de Belgique souvent pour des motifs économiques (interdiction de vente d’armes et d’alcool aux populations indigènes qui était à la base du troc des entreprises en échange d’ivoire et de caoutchouc - décrets de juin-juillet 1890), d’autres sont venues de députés, de fonctionnaires, d’officiers de l’EIC et de missionnaires.

Elles ont été ensuite été relayées par la Grande-Bretagne, légitimement heurtée par les excès commis, mais aussi parce que la découverte de richesses de plus en plus évidentes dans le sous-sol du Katanga excitait les convoitises. La remise en question de l’Etat Indépendant aurait permis de reprendre ce fabuleux trésor accordé à la légère en 1885.
 
Enfin, dans le contexte du temps, les Etats-Unis ressentaient encore les effets de la guerre civile, et le monde politique libéral se déchirait sur le sort réservé aux populations indiennes. Tandis qu’Angleterre, France et Allemagne avaient beaucoup à se faire pardonner dans le domaine colonial ...

*     DE LA CONTEXTUALISATION DE L'HISTOIRE COLONIALE  - « SI LORS DE LA GESTION LEOPOLDIENNE DE L'ETAT INDEPENDANT DU CONGO ON AVAIT EVOQUE “L’HOLOCAUSTE OUBLIE”, DE NOS JOURS, S’AGISSANT DES CRIMES CONTRE L'HUMANITE COMMIS DANS L'EST CONGOLAIS, ON PARLE DE “GENOCIDE IGNORE” »

Ne parait-il pas paradoxal que ces mêmes partis de la majorité bruxelloise ne s’offusquent guère du soutien apporté depuis trois décennies par les Anglo-Saxons au régime de Paul Kagame dont les exactions sont encore commises actuellement en territoire congolais pour faciliter l’exploitation des richesses ?

Pour l'écrivain congolais Gaspard-Hubert Lonsi Koko, dans l'ouvrage intitulé Le regard africain sur l'Europe, « si lors de la gestion léopoldienne de l’État indépendant du Congo on avait évoqué “l’holocauste oublié”, de nos jours, s’agissant des crimes contre l’Humanité commis dans l'est congolais, on parle de “génocide ignoré” ».

Quelle est la position de ces partis de la majorité bruxelloise quant au plan de balkanisation du Congo dont la partition en 4 parties revient ces dernières semaines au premier plan de l'actualité au travers de massacres des populations congolaises ?
 
 
La contextualisation de l’histoire coloniale ne doit ni être instrumentalisée de l'étranger (avec l'affaire Floyd comme élément déclencheur) ni passer par une récupération politique de court terme comme c'est actuellement le cas.

La contextualisation de l’histoire coloniale doit être confiée aux historiens. Plutôt que de vandaliser les rues, il est plus intéressant de laisser ces témoins d’un temps, pour précisément maintenir le débat.

Il faut recontextualiser et pas supprimer car ce que les êtres ont construit fait part de notre héritage. On sait qu'avec le temps le jugement sur les gens, les faits, les mouvements, les idéologies, les moeurs change.

 
Le passé est parfois dur à confronter. Mais on ne l'efface pas en démolissant ses vestiges.

Quand les nouveaux dirigeants de Singapour ont pris le pouvoir, ils ont décidé que tout vestige de l'époque coloniale britannique serait conservé dans son état d'origine.
 
 
Une opinion libre (08/6/2020)