"Il faut arrêter la politique de l'autruche
et de dire qu'il n'y a pas de problème avec
la 5G"
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Antonin Marsac
Publié le samedi 23 mars 2019 à 11h46 - Mis
à jour le samedi 23 mars 2019 à 11h48
L’installation de la 5G en Belgique
provoque des réactions et des débats. Aussi
bien en ce qui concerne les retombées
économiques que les effets sur la santé ou
l'environnement.
Certaines personnes veulent se prémunir
des ondes dans la mesure du possible,
d'autant qu'elles sont amenées à devenir de
plus en plus nombreuses dans nos sociétés de
plus en plus connectées.
Wendy de Hemptinne, physicienne
indépendante (qui n’est pas rattachée à une
entreprise ou une université), met en garde
contre ces excès d’ondes et conserve un œil
particulièrement critique et sceptique sur
la 5G.
Cofondatrice d’Ondes.brussels,
une initiative citoyenne destinée à
conscientiser les personnalités politiques
sur l’ampleur du problème que représenterait
la 5G, Wendy de Hemptinne répond à nos
questions. Elle est l’invitée du samedi
de Lalibre.be.
Vous dénoncez les risques de la 5G
pour la santé, mais pourquoi ça bloque au
niveau politique ?
On s'est rendu compte lors des rencontres
avec différents représentants politiques que
les arguments auxquels on fait face sont des
arguments "prêt-à-porter". Tant que les
mandataires ne prendront pas le temps
d'entendre les éléments de compréhension qui
leur permettront de se positionner de
manière critique, ils resteront avec des
arguments pro-5G, car ce sont des arguments
qu'on leur a fournis.
Dans la mesure où le lobbying pour la
santé est porté seulement par quelques
citoyens engagés, ça sera compliqué de se
faire entendre face aux industriels, aux
opérateurs qui avancent des arguments
économiques, dont ceux en termes d'emplois.
Quel est le problème de la 5G ?
Une des spécificités de la 5G, c'est que
les rayonnements vont être absorbés
majoritairement par la peau, c'est ce qu'on
appelle "l'effet de peau". Il y aura donc
une absorption concentrée sur une épaisseur
plus faible en surface. L'effet
d'échauffement peut potentiellement être
important au niveau de la peau, des yeux, de
la thyroïde, des testicules... On peut se
préparer à avoir des problèmes du genre,
dont des mélanomes.
Il faut imaginer que nos cellules, à
force d'être soumises à ces attaques,
risquent d'être endommagées. Sans compter
tout ce qui touche aux hormones, aux
neurotransmetteurs. Notre sommeil, notre
attention risquent d'être perturbés, avec
tout ce que cela implique.
A terme, on se retrouve avec une immunité
sur-sollicitée, un épuisement des réserves
et on peut dériver sur toutes les
pathologies sociétales telles celles qu'on
connaît à l'heure actuelle, que ce soit
cancer, alzheimer, troubles dépressifs,
infertilité masculine...
Pourquoi ce problème semble minimisé ?
On a aujourd'hui pris conscience que la
pollution de l'air pose des problèmes de
santé, surtout pour les personnes les plus
vulnérables. Mais par rapport à la pollution
électromagnétique, il n'y a pas une
conscientisation suffisamment large. On ne
se rend pas compte qu’augmenter les niveaux
d'exposition, alors même que les niveaux
actuels sont déjà problématiques, c'est
multiplier et aggraver les dommages. La
pollution électromagnétique constitue une
agression permanente.
Je rassemble de plus en plus de
témoignages de personnes qui manifestent des
troubles de la santé qu'elles attribuent à
l'environnement électromagnétique chargé.
Elles sont souvent dans un état de détresse,
avec une peur panique qu'un jour elles ne
pourront même plus survivre dans cet
environnement. Les personnes parmi les plus
atteintes seraient prêtes à demander
l'euthanasie tellement elles ne voient pas
d'issues. Ces personnes sont dans une telle
situation qu'elles ne sortent plus, et ne se
montrent plus, donc ne témoignent pas. J'en
connais qui ont dû quitter la Belgique même.
Certes, ce n'est pas la majorité des gens.
Beaucoup de gens électro-hypersensibles
arrivent malgré tout à vivre. Mais plus on
ajoute d’ondes, plus ça devient difficile
pour ces personnes-là. À un moment donné,
notre seuil de tolérance sera atteint.f
On en est vraiment là. Et ça, c'est
important de l'amener à nos représentants
politiques, car ils n'en ont pas conscience,
ils ne sont pas sur le terrain.
Certains disent que c’est
psychologique, que c’est un effet placebo…
En effet, sur base des études de
provocation qui ont été réalisées sur des
personnes électrohypersensibles, certains
disent que l’électrohypersensibilité est un
effet placebo, ou plutôt "nocebo". Pour ces
tests de provocation, on sélectionne des
personnes électrohypersensibles et on les
met dans des situations où elles sont
exposées ou non, à leur insu, et on leur
demande de dire si oui ou non elles sont
exposées. La plupart des personnes échouent
à ce genre de test. Est-ce étonnant ? Non.
Il faut juste se rendre compte que le
corps ne fonctionne pas comme un
interrupteur. Notre corps est beaucoup plus
complexe que ça. Et heureusement. Il est
équipé d'une série de mécanismes
physiologiques adaptatifs. Mais du coup il y
a un temps de latence avant l'apparition des
symptômes et un temps de rémanence avant la
disparition de ceux-ci. Donc si on se
contente de leur mettre un téléphone près de
la tête et de leur demander de dire s’ils
pensent qu'il est allumé ou éteint,
forcément elles vont se tromper. Certains en
concluent que c'est un effet nocebo, que ces
personnes développeraient des symptômes en
raison de la peur qu’elles auraient d'être
exposées.
Mais je ne peux pas croire que tous les
témoignages que je rassemble ne sont que dû
à l'effet nocebo. On observe des effets sur
les animaux, sur les plantes, sur des
bactéries, sur des levures... À un moment
donné, il faut arrêter de faire la politique
de l'autruche et de dire qu'il n'y a pas de
problème. Il faut arrêter de se dire qu'on
va connecter tous nos objets, qu'on va
pouvoir les commander tout à distance, pour
notre confort, sans qu'il n'y ait d'effets.
Pourtant il y a les limites fixées,
les limites conseillées... Qui définit
spécifiquement les limites d'exposition ? Et
comment ?
Dans l'ordonnance bruxelloise qui doit
sortir, le principe de précaution est
invoqué à toutes les pages, mais il repose
sur un seul argument. Et cet argument de
précaution est que les normes bruxelloises
qu'on va avoir, c'est-à-dire 14,5 volt par
mètre en extérieur et 9,1 en intérieur
d'exposition, c'est plus restrictif que les
normes de l'OMS. Mais ces normes viennent
d'un organisme qui est de près ou de loin
lié au secteur des télécoms. Les
recommandations des spécialistes, qui
prennent en compte les considérations
biologiques, sont largement inférieures. On
se rend donc rapidement compte que les
limites pour Bruxelles ne tiennent pas la
route. Leur "principe de précaution" qui
suffirait s'écroule.
Et donc implémenter la 5G touchera tout
le vivant, tout l'écosystème. Il faut
s'attendre à des chamboulements importants.
Ça ne va peut-être pas se voir de manière
immédiate du jour au lendemain, mais ça va
se voir sur le long terme. Les industriels
jouent là-dessus, donc on tourne en rond.
D'autant que les assureurs n'assurent déjà
plus les risques liés à la pollution
électromagnétique.
Comment les spécialistes ont-ils été
désignés ?
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
ne s'est plus exprimée depuis 20 ans. Il y a
bien un groupe de travail qui se penche
là-dessus, mais c'est tout. L'OMS joue aux
abonnés absents. Ils ne font qu'adopter les
recommandations de l'ICNIRP (International
Commission on Non-Ionizing Radiation
Protection) qui datent de 1998. Or, les
technologies se sont développées de manière
fulgurante, et les normes sont obsolètes.
La 5G provoquera-t-elle une
multiplication des antennes ?
Oui. On parle déjà de la pollution
électromagnétique de manière générale, mais
il y a aussi autre chose. Dans l'ordonnance
qui se prépare, deux problématiques peuvent
se voir de manière isolée mais, prises
conjointement, elles amplifient encore le
problème et les dommages risquent d'être
assez considérables. D'une part, il y a la
hausse des normes. On va donc augmenter les
niveaux autorisés et l'exposition que nous
allons subir. D'autre part, il y a le
problème spécifique de la 5G.
Pourquoi la 5G serait un problème plus
important ?
Même si on remplaçait les 2, 3 et 4G par
la 5G seule, ce serait dommageable pour les
êtres vivants. Mais là, ça s'accumulera. On
a peu de données scientifiques sur la 5G,
mais on peut extrapoler par rapport aux
connaissances actuelles. Il faut comprendre
qu'entre la 4G et la 5G, il y a une rupture
complète. La 5G fait transiter plus de
données, plus efficacement. Mais, pour que
ce soit possible, il faut augmenter les
fréquences porteuses.
La 5G va utiliser des fréquences plus
élevées, mais ça implique que les
rayonnements seront plus facilement atténués
par les obstacles. Donc le système actuel
qui fait qu'il y a une antenne pour toute
une zone changera. Le nombre d’antennes sera
multiplié et elles seront beaucoup plus
proches des gens. On annonce même des
antennes dans les lampadaires publics.
Alors la puissance des antennes devrait
être moins importante, mais la puissance
reçue, l'exposition, sera vraisemblablement
plus importante.
Mais il n’y a pas de
preuves d'effets ni d'absence d'effet
pour le moment ?
L'innocuité des ondes n'a jamais été
prouvée. Par ailleurs, tout dépend ce
qu'on entend par preuve. Si c'est une
démonstration de 1+1=2, on ne l'aura
jamais. La biologie est plus complexe.
Notre corps a des mécanismes pour se
défendre qui ne seront pas les mêmes
chez tout le monde. Mais on est juste
dans la fabrique du doute pour le
moment. C'est pour gagner du temps.
C'est ce qui a été fait pour le tabac,
pour l'amiante et autres...
Pourquoi est-il impossible d’avoir
des preuves ? Si on fait des
expériences, comme on l'a déjà fait sur
des animaux...
Tout dépend de ce que l’on entend par
preuve. Ce ne sont pas des preuves
logiques et mathématiques, mais des
preuves expérimentales. Il y a des
études épidémiologiques et des études en
laboratoire. Le problème de ces études,
c'est qu'il n'y a pas la possibilité
d'établir un lien de cause à effet. On
peut établir des corrélations, par
rapport aux symptômes, etc. Mais la
corrélation n'est pas une preuve. Pareil
pour les personnes
électro-hypersensibles qui déclarent
ressentir les ondes à certains endroits
et pas à d'autres. Ce n'est pas
considéré comme une relation de cause à
effet. On pourrait faire des études
cliniques, en exposant des personnes à
ces ondes, mais ça ne serait pas très
éthique. Donc on ne le fait pas. On fait
ça sur des animaux ou sur des cellules,
et là on en tire des conclusions. Mais
les sceptiques diront que ce qu'on
observe sur le rat n'est pas forcément
transposable à l'humain.
Quelles solutions prônez- vous ?
Pour moi, ce vers quoi on doit
s'orienter, c'est faire passer les
données par le câble, la fibre optique
ou autre partout où c'est techniquement
possible. On diminue de la sorte le
nombre de données transmises par les
ondes à des niveaux acceptables.
Et comment faire pour les
terminaux mobiles ?
Il faut apprendre à se poser les
questions pertinentes. Quel est l’usage
que nous faisons des communications sans
fil ? L’appareil est-il fixe ou mobile ?
Peut-on remplacer le sans-fil par du fil
? Voyez les compteurs communicants par
exemple. Il n'y a rien de plus fixe
qu'un compteur. Pourquoi ne prévoit-on
pas des compteurs communiquant leurs
données par câble réseau plutôt que par
les ondes ou par courant porteur en
ligne ? C'est quoi la meilleure
stratégie à long terme ? Faire le
plus rapidement possible et à moindre
coût ? Ou c'est utiliser les meilleures
technologies dont nous disposons,
compatibles avec la santé ? On est à une
bifurcation.
La 5G implique aussi,
potentiellement, plus d’objets
connectés, plus facilement. On en
devient "accro" ?
Oui. Il y a même des centres de
sevrages pour les addictions au
smartphone. On est en train de créer
tout un monde hyper connecté et, en
parallèle, il y a tout un business qui
se crée autour de la santé, des dégâts
engendrés. A un moment, est-ce qu'on ne
peut pas prendre les bonnes décisions à
la base, simplement ? Je ne suis pas
contre le numérique et la technologie,
mais je suis pour un usage raisonné et
responsable.